J'appréhendais ...
Valère Novarina est un ovni pour moi. des mots inventés, aucune ponctuation, des dizaines de personnages aux noms les plus biscornus les uns que les autres ...
Etudier l'Acte inconnu allait être sans doute une épreuve ; mais que dire de ce que cela demande aux comédiens !!
En fait, l'exercice d'écriture s'est révélé être jouissif.
Non, non, non, ça ne sert à rien ! Il ne fait que rouspéter, répéter, se répéter, péter tout court peut-être aussi. Oui, je suis en pétard. Oui, je tempête, je vocipète, je virupète, je centripète, je péripète. Oui, je peste. Marre de cet hurluberlu, cet olibrius, ce puducul, chapeau pointu. Marre de la morale qui te dézingue le moral, de la leçon qui te prend pour un con, de dieulepère qui te désespère. Je m’en vais, je me tire, je me barre, je me bordel de merde, je mets les bouts, je m’arrache les bouts, je dégage, je dégaze, je file, et même je me faufile, faux frère, faux père. Tout est faux, archi-faux, supra-faux, meta-faux ; faut pas jouer à ça ; ça déglingue, ça déclenche, ça enclenche. Je débranche, je déhanche, je trompète.
Mais de quoi tu parles ?
De tout, de tout, de rien, du tout du rien ! Tu ne vois pas ? Tu n’entends pas ? Tu ne ressens pas ? Tu existes au moins ? (imitant un fermier dans un poulailler) petit, petit, petit, petit. Alors toi aussi tu es d’accord ? D’accord pour être ignoré, torgnolé, dégoupillé, zigouillé, infantilisé (imitant un fermier dans un poulailler) petit, petit, petit, petit, décérébré, lobotomisé ? Très bien, très très bien, très très très très bien. Passe ton chemin, va petit âne ; (chantant) de ci de là, cahin-caha, va chemine, va tranquille, va petit âne, va de ci de là cahin-caha …
Arrête ! Y a jamais moyen de discuter avec toi !
Discuter ? Discuter de quoi ? De ton dernier mdr ? Ah, non pardon c’était ptdr ! Ou du mp que t’as laissé à dieulepère ? Discuter pour se disculper, discuter pour s’occuper, discuter de rien du tout. STOP ! Qu’on en finisse. Moi je veux parler du tout de rien. Car le rien forme le tout. Le tout s’est perdu dans un grand trou. C’est creux, c’est vide, ça résonne, y a personne. C’est comme ça maintenant. Ça me déprime, ça me comprime, ça s’imprime, mais jamais ça s’exprime. Tu sais quoi ? Bon, qu’i dit l’aut’, l’lend’min l’étot mort. Alors grouille-toi !
Nota :
« Bon, qu’i dit l’aut’, l’lend’min l’étot mort. » est en patois ch’ti.
traduction française : "bon", dit l'autre. Le lendemain il était mort.
© Marie-Pierre Deloeil - écrit le 7/12/2021