Pendant cette drôle de période j’ai fait comme beaucoup : du ménage !
En particulier du ménage numérique.
Ma boîte mail, je la vide très régulièrement, parfois trop vite même. Les spams, je les signale dès que j’en reçois, les alertes, je me désinscris quand ça ne m’intéresse plus. Alors, quel ménage reste t-il à faire me direz-vous ?.
Le ménage des Favoris !
Hé oui, quand je me balade sur internet je mets en Favoris des trucs qui m’intéressent. J’ai même un classement des Favoris ; c’est une vraie bibliothèque avec une étagère Artistes, une étagère Pièces de Théâtre, une étagère Cuisine, une étagère Tricot … j’ai d'ailleurs créé une étagère Covid.
Alors je suis allée revisiter cette bibliothèque de Favoris. Ce lien internet, méritait il encore le statut de Favori ? Pour certains, le lien est carrément rompu. C’est dire le zapping dans lequel on vit. Pour d’autres, c’est l’occasion d’actualiser mes infos. Pour d’autres encore, c’est fini. Je n’ai plus d’attache avec eux.
Sur mon étagère Artistes, j’ai un dossier On Kawara, un artiste japonais. J’ai feuilleté à nouveau ses œuvres, son histoire, et j’ai revu ses cartes postales de la série I GOT UP.
Carte postale …
Au XXème siècle, j’envoyais des cartes postales de mes lieux de vacances. J’en recevais aussi. C'était une façon de dire à l'autre qu'on pensait à lui, même de loin. Et puis petit à petit, sans que je m’en rende vraiment compte, ce rituel a disparu. Tu pars en vacances, mais tu envoies un mail pour dire que tu es bien arrivé.e, que tout va bien. Tu mets une photo, peut-être aussi une émoticône, et tu cliques sur envoyer. Le geste est devenu facile, immédiat. Sitôt envoyé, sitôt reçu.
Vacances …
Et si je prenais ce confinement comme des vacances en pays étranger ?
Au XXème siècle j’aurais envoyé des cartes postales.
Alors, pourquoi ne pas le faire au XXIème siècle ?
C’est décidé : je vais reprendre ce geste tombé en désuétude.
Reste à trouver des cartes postales … Elles doivent être de Lille, mon lieu de confinement. Où trouve t’on des cartes postales quand les commerces qui ne sont pas de première nécessité sont fermés ? Première tentative auprès des kiosques à journaux. Je découvre qu’ils ne sont pas de première nécessité. Restent les débits de tabac. J’ai dû en faire une dizaine. La carte postale est devenue un objet rare, un collector. C’est dans le Vieux-Lille que le buraliste me dit d’aller chez Bernard, rue Nationale. « Bernard, il en a des cartes postales ; c’est sûr. Dites-lui bonjour de ma part ». C’est vrai : Bernard a des cartes postales. Un peu kitsch, mais ça aussi c’était le charme des cartes postales. Le choix n’est pas immense, mais quand même … Quant aux timbres, Bernard me conseille les verts, les moins chers. « en ce moment, c’est petite vitesse de toutes façons ». Il est plein de bon sens le Bernard. Va pour le timbre vert.
Et maintenant, protocole ; oui, protocole.
J’écrirai une carte postale par jour, et une seule.
Je ne déciderai pas à l’avance du destinataire. Ce sera une décision prise au jour le jour.
L'en-tête indiquera systématiquement la date et le numéro du jour de confinement.
Je la posterai le jour même, avant 17h, sauf le samedi et dimanche et jour férié.
Je photographierai le recto et le verso pour en garder une trace et en faire un livret.
Mon 1ère carte est en date du samedi 25 avril 2020, 40ème jour de confinement.
Ma dernière sera en date du dimanche 10 mai 2020, 55ème jour de confinement.
C’est très difficile de respecter un protocole. Parfois envie d’écrire 3 cartes à l’avance, de ne pas aller faire la queue à la poste -car il faut savoir que les boîtes aux lettres sont condamnées à Lille-, de sauter une journée, …
Le plus drôle c’est qu'au moment même où j'ouvre un œil le matin, je me demande à qui je vais envoyer la carte du jour. Je passe en revue toute ma famille et tous mes amis pour me décider sur un unique destinataire. Mais finalement je pense à chacun d’eux chaque jour !! Pas de hiérarchie affective donc entre ceux qui reçoivent une carte et ceux qui n'en recevront pas. C'est plutôt une logique géographique qui prédomine dans mes choix.
Du coup, je peux vous dire que les délais de distribution postale sont en ce moment très variables d'une ville à l'autre.
Ou alors ... c'est la faute au timbre vert ?
Je regrette de n’avoir commencé que le 40ème jour.
© Marie-Pierre Deloeil