Ce matin, jolie surprise : pas de grimace en me levant. La sciatique qui me tient au corps depuis le 5 juillet aurait-elle pris un jour de congé ?
Ne pas se poser de question. Profiter.
Je laisse l’esprit divaguer à la recherche de mes rêves. Depuis plusieurs jours je rêve beaucoup. Les images reviennent en flash, très précises. Je voudrais pouvoir les filmer pour en garder la précision, ou pouvoir les dessiner et les colorier. Ces rêves sont comme des films. Souvent en couleurs, mais parfois montés en noir et blanc. L’autre nuit j’ai rêvé d’une coccinelle, la voiture, la cox. Elle était orange, orange mat ; J’en suis certaine. Et pourtant les images de mon rêve étaient retraitées en noir et blanc. Cette nuit, j’ai rêvé d’amis. Je veux dire des amis que j’ai dans la vie étaient dans mon rêve.
J’ai envie de sortir. Le soleil n’est pas encore là mais il devrait se pointer.
Je mets une nouvelle robe. Je l’ai achetée en vacances dans le Sud. Elle est bleu indigo. L’indigo pourrait déteindre un peu les premiers temps, c’est la créatrice qui me l’a dit. Ne mettez pas de soutien-gorge blanc, rincez avec du vinaigre. Ensuite, cela ira. Je mets aussi des bijoux. Un collier de perles en terre cuite africain, bleu lui aussi, et un bracelet très fin avec un bois spécial et quelques petites perles. Je me souviens, c’est un cadeau. Le bois doit me protéger de l’arthrose. La sciatique, ça devrait être dans ses cordes.
J’ai décidé d’aller au marché de Wazemmes. J’ai envie de fleurs, j’ai envie de flâner dans un lieu de vie. J’allais oublier de prendre un masque. Je soupire, je le prends. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi un masque protège les autres mais pas soi-même. Serait-ce à cause de la face filtre ? Et si je mettais mon masque à l’envers, face filtre à l’extérieur, est-ce que je me protège moi ? J’aimerais en parler à un scientifique. Je ne connais pas de scientifique, surtout en plein mois de juillet.
Je vais au marché à pieds, tranquillement, le corps bien droit pour ne pas me faire surprendre par une douleur grincheuse. J’achète des avocats, un melon, une botte de carottes nouvelles. Je vais voir l'étal qui ressemble à un jardin comme je les aime : des herbes partout, des arbustes, des légumes, des fruits. J’ai envie de cuisiner avec des herbes aromatiques. Je choisis du persil plat, du romarin, de l’aneth. J’aimerais trouver du lapin ; un lapin moutarde et romarin, ça doit être délicieux. Je n’ai pas trouvé de lapin.
Je suis allée voir les marchands de fleurs. J’ai acheté une toute petite plante : de la famille des Kalanchoë. Elle me fait penser à un nénuphar, et ça me fait penser à la ballade avec une amie dans la bambouseraie d’Anduze. Je voulais aussi des fleurs ; les tournesols sont plutôt tristounets, d’ailleurs ils sont soldés. Je les délaisse. Tout à coup je suis attirée par une couleur de fleurs : ni rose, ni orange, ni saumon, mais quelque part dans cette palette, avec un cœur vert anis. J’en prends vingt. Ce sont des Gerbera. Et puis je vois de drôles de fleurs, comme une boule de pelouse synthétique au bout de la tige. J’achète les sept dernières. Ce sont des Dicks. Je suis déçue par le nom de la fleur. Dick, ça veut dire zob. Je suis presque fâchée après la personne qui a donné ce nom à cette fleur. Comment a-t-elle osé ? Si encore il y avait une ressemblance, mais pas du tout. Cette fleur c’est comme une fleur de pissenlit mais qui ne s’envolerait pas quand on souffle dessus.
Je décide de prendre le métro pour rentrer. Certes la maison n’est pas loin mais je suis chargée et je ne veux pas tenter la diabolique sciatique. Je grimace devant les portillons. Avec mes cabas je dois pivoter le bassin légèrement pour passer. Je hais ces portillons trop étroits quand on a des bagages. Quand je pense que Martine Aubry avait promis il y a quelques années les transports gratuits, et voilà qu’on installe des portillons …
J’arrive chez moi. Je range les courses dans le frigo. Zut, j’ai oublié de demander quelle est la meilleure façon de conserver longtemps des herbes aromatiques. Je les mets au frigo, je crois que c’est mieux que de les mettre dans un verre d’eau. Je m’occupe des fleurs. Gerbera avec Dicks, ou séparés ? J’hésiterai, j’essaierai et j’opterai pour ensemble. Le bouquet est devant moi dans un vase orange vif.
J’ai lu «une part de ciel» de Claudie Galay il y a quelques jours. J’ai l’impression qu’elle n'est pas loin de moi. Je prends le temps de choisir un visuel pour ce texte. Ce sera une photo de fleur, une digitale, prise par un ami dans son jardin. J'aime ce moment.
© Marie-Pierre Deloeil