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Sarah Kane


Je ne connaissais pas cette autrice. Je savais juste qu'elle avait chamboulé le paysage dramaturgique, qu'elle s'était suicidée jeune, qu'elle avait une écriture radicale. J'avais hâte de la découvrir.

Radicale, en effet ! Je n'ai pas réussi à lire Manque, l'œuvre que j'ai étudiée. Trop de désespérance pour moi, trop de paroles perdues dans le vide. Il n'y a plus de personnages, juste des voix distribuées avec des lettres.


Cette fois-ci, je fis l'exercice d'écriture en petit groupe. Nous avons improvisé à voix haute pendant que l'un d'entre nous écrivait nos paroles. Nous avons ensuite distribué les paroles.



Y : Trois ou six ?

E : L'important c'est d'être ensemble. Oui. J'arrive les filles !

V : A genoux, pour s'excuser !

I : Moi je ne comprends rien

X : Laisse toi faire

N : Arrêtez

E : On se concentre ; instant présent

Y : J'ai envie de douceur

I : J'ai besoin de douceur

X : Pour quoi faire ?

V : Pour revivre et baiser le désir.

E : Tu as de beaux yeux tu sais

N : Merci, c'est bien plus que ça

I : Pourquoi ça ne m'est pas adressé !

N : Mais toi aussi, hein

I : Pourquoi tu dis qu'on est trash ?

N : Moi j'ai dit ça ?

X : Tu as même dit qu’on était l'espèce la plus trash

V : Non, la plus dangereuse

I : C'est vrai

Y : Le danger vient de nous, que de nous

N : Pas d'accord, on leur fait peur je crois

Y : La douceur, c'est la douceur la solution

V : Ou le silence

I : Ou arrêter d'avoir des enfants

X : Je suis d'accord, extinction naturelle

E : Bande de salopes

N : Bande toi-même, vilaine. On dit que la vérité

V : Et si tout commençait maintenant ?

E : J'aimerais bien

X : Ça veut dire qu'on se sépare ?

Y : C'est peut être nécessaire

I : On aura plaisir à se retrouver... ou pas

X : Quand ça ?

I : Tu aimerais bien toi ?

Y : Pas avec vous

E : C'est bien ce que je pensais

X : Alors ta gueule. Moi, je me laisse faire, et toi ?

I : Menteur.

X : Moi, je me laisse vivre

Y : Tricheur

E : Alors, on y va, on se sépare ?

N : Allons-y

V : Vraiment ?

X : Oui, non, oui

I : Et bien non

X : J'ai peur, j'ai hâte, j'ai envie, je trouille

V : Peut-être que ce sera mieux qu'ici

N : C'est trop tôt, je ne tiendrai pas si c'est plus loin

E : C'est encore loin ?

Y : Je crois

X : Et toi tu en penses quoi ?

I : De la douceur, de la douceur

X : Avec du sable dans les yeux. Ça pique

E : Et le cul en l'air. Un cimetière d'autruches, la tête dans le sable

Y : Ou dans une tombe

I : Stop et allons-y maintenant

X : C'est une idée fixe !

I : C'est ta solution. Alors on saute ?

Y : Qui se dénude le premier ?

X : Moi j'y vais

E : Pas moi

V : Tout de suite ?

N : Attend, Attend quoi ?

E : Et si on se poussait, ton dos contre mon dos

X : Laisse toi tomber maintenant

M : Jamais. Tu as peur de quoi, de vivre ?

V : Alors tues toi !

Y : De mourir, de sentir

N : De ressentir, de voir, d'être impuissant, du manque, de l'horizon bouché

Y : Du vide, du banal

I : De l'amour et de la vulgarité, de la publicité avec des femmes nues, des métros bondés…

V : De la routine ?

X : Du masque ?

N : De l'ennui ?

I : Arrêtez de vous plaindre

N : On est conscient, on ne se plaint pas.

I : On parle de nous pour une fois,

N : Voilà ! Ce qui sauverait l'humain c'est de parler de soi.

E : Ou de se taire

V : Tu aurais mieux fait de taire ! Tout le monde est éteint maintenant

X : Alors on part

I : A demain

Y : A plus tard

E : Ciao ciao

N : Je t'aime.




© Eva Beninato, Mandy Biamoko, Xavier Daniele, Marie-Pierre Deloeil, Emilien Lafforgue, Marion Leleu - écrit le 17/11/2021


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