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Où serez-vous dans 50 ans ?


© Ron Mueck 'Two Women'

je fais partie d'un atelier théâtre

Echauffer le corps

Echauffer la voix

Convoquer l'imaginaire

Et proposition d'écriture ...

"où serez-vous dans 50 ans ?"





Dans 50 ans !!!!

c’est un vertige, pour moi qui ai déjà parcouru 59 ans.

Ce chemin me fait il envie ? Certainement non, mais l’arrêt sur image m’amuse.


Je serai une femme vivant la plupart de son temps dans son fauteuil, pas loin d’une fenêtre. Non, pas de cheminée avec un feu crépitant joyeusement. Je n’aime pas spécialement les cheminées. Je n’aime pas faire du feu. Je serai donc dans mon fauteuil avec pas très loin mon paquet de gitanes, mes lunettes, mon téléphone portable, et ma canne. Quelques livres que je n’aurai pas toujours le courage de lire jusqu’au bout, la télécommande de la radio.


Mes souvenirs seront tantôt clairs, tantôt confus. Mais comment donc s’appelait la femme de Georges Marchais ? « bidule, fais tes valises, on s’en va » disait-il et bidule c’était le prénom de sa femme, ce prénom qui m’échappe. Là-dessus viendrait ce jour de manifestation des mineurs en colère et moi avec eux, et moi voyant tomber à quelques mètres de mes pieds une bombe lacrymogène et vivre l’asphyxie et puis le grand soir à la Bastille, enfin ce qu’on pensait être le grand soir … je passerai du coq à l’âne avec Londres et ses appartements en demi sous-sol – basement, voilà, basement c’est le mot- la Grèce, sa vallée d’oliviers et son énorme usine d’aluminium, le Cameroun et sa brutalité, Lyon et la belle lumière du quai de Saône, Katmandou avec les pieds dans la merde mais la tête dans les étoiles, Bangkok où j’ai détesté le sourire artificiel des vendeurs de faux polos au crocodile –c’est comment cette marque déjà?- Berlin et ses biergarten.


L’esprit zappera soudainement pour imaginer ce que je pourrais inventer avec une imprimante 3D, pour me dire que oui, j’aurai du abattre ce mur dans mon appartement mais à quoi bon maintenant. Je regretterai de ne plus pouvoir marcher facilement pour aller danser et alors je mettrai un disque de rock à fond la caisse et je ferai danser mes doigts. J’offrirai du whisky pur malt et sans glaçon à mes visiteurs. Je leur demanderai où en est le CAC40 par curiosité pour savoir s’il franchira un jour la barre des 6000. Je ferai promettre qu’il y aura « My song » de Billy Paul à mon enterrement et une grosse fête avec des clowns. Je me demanderai pour la 50ème fois où j’ai bien pu cacher mon foutu testament et j’en rirai. J’hésiterai beaucoup sur mon choix de réincarnation – un animal, une œuvre d’art, un objet, un homme, une femme ? Je me plairai à imaginer les situations, à me projeter dans le XXIIème siècle. Je somnolerai aussi et au réveil je serai triste de ne pas me rappeler de mes rêves, mais c’est déjà le cas, alors …


À mes côtés, une jeune étudiante qui sent bon le lilas, qui prend des notes en souriant, des photos aussi, et qui fera une BD de tout ce bric à brac … ou pas.


© Marie-Pierre Deloeil



© Ron Mueck : "Two Women"



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