Cela fait des mois que je cherche à réactiver le ressort de l’écriture.
Quand s’est-il enrayé ? À peu près au moment du déconfinement. C’est étrange et pourtant non. Alors je fréquente ponctuellement un atelier d’écriture, un peu comme si j’allais faire des gammes.
Et voilà que l’envie de refaire vivre mon blog revient. Alors je dépose ces textes écrits en 5 à 12 minutes, au gré des séances, des consignes, des mots partagés, de mon humeur. Ils sont inaboutis peut-être mais je les aime bien.
Noir, Blanc
Sans nuance
Mais si étrange
Si beau, presque fabuleux
Le zèbre se pare de rayures.
Je ne suis pas un zèbre. Je ressens un blanc. Mon stylo noir est malhabile, j’ai peine à écrire.
J’ai beau convoquer le pavot, la violette, la tulipe et l’arc-en-ciel, j’ai un peu de mal à voir la vie en rose.
(6/8/2021)
J’aime pas les fayots
Que ce soit les haricots
Ou les lèche-botte
Je les déteste
C’est la texture
C’est leur figure
Y a rien à faire.
Je préfère la feta.
Là au moins j’ai du soleil dans les yeux, de l’iode dans le nez
Un monde vaste dans mes mains.
(6/8/2021)
- Tu es désolée, tu es désolée …. C’est une blague …. Je n’en crois pas un mot ! Tu le sais depuis vendredi dernier et nous sommes jeudi. Ça te laissait du temps, non ? Désolée de quoi d’abord ?
- Arrête papa. Tu ne comprendrais pas de toute façon.
- Ah oui ? Et pourquoi je ne comprendrai pas ? Parce que je suis trop vieux ?
- Mais non !
- Pourquoi alors ?
- Parce que tu es prof d’anglais.
- …. Et alors ?
- Alors, je déteste Shakespeare et tu as raison, je ne suis pas désolée. Pas du tout même !
(9/9/2021)
J’habite Lille et j’aime beaucoup prendre la Liane pour me déplacer. Déjà, j’aime son nom. Il crée du lien et je pense aussi à Tarzan qui voltige grâce aux lianes. Prendre la Liane, c’est un envol au quotidien, c’est aller au-delà de la ville et voir une lumière rasante sur les champs du côté de Ronchin. C’est faire du porte à porte, c’est croiser des visages puis les oublier, et c’est dire merci au chauffeur en descendant à l’arrêt demandé.
(9/9/2021)
La lune peut-elle annoncer le printemps ? Je ne l’ai jamais entendu dire. Il parait que ce sont les hirondelles qui annoncent le printemps, mais uniquement si elles sont plusieurs. Pourtant, je crois que la lune est différente au printemps. Elle ne prend jamais la couleur rousse. Elle est plutôt pâle comme une beauté fragile qui ne se risque pas au soleil.
Je reconnais que ça peut être un effet d’optique.
(9/12/2021)
Hier j’ai téléphoné à Jean-François. Jean-François c’est un ami de longue date.
Jean-François habite du côté de Foix maintenant. Je ne suis encore jamais allé le voir là-bas. Je le lui ai dit. Il m’a dit « viens ! ». Il m’a dit que je pouvais faire le voyage en train couchette. Soudainement, ça m’a fait rêver. Lille-Foix, 1000 kms, 12 heures de voiture d’après Google Maps. J’ai regardé les trains. C’est vrai ! Il a dit vrai. Paris-Foix en train couchette.
J’ai l’impression d’être revenue au XXème siècle. Prendre le temps. Ne pas demander la lune mais la regarder en soulevant un coin du store. Être allongée à l’étroit comme dans un vaisseau spatial, comme dans un hôtel capsule japonais, mais juste pour passer 12 heures à traverser la France.
Il y a des compartiments dame seule maintenant. C’est bien, mais aussi un peu dommage. Il y a tant de fantasmes possibles dans un train couchette.
(9/12/2021)
L’horloge est arrêtée. Ça fait du bien !
Ça ne compte plus. Ça ne décompte plus.
Fini le temps, bonjour l’espace.
Reste la musique, la valse à 3 temps.
C’est le temps de ton corps, de ton sang, de ta vie. C’est le battement. Fais lui confiance. Ton corps sait. Il ne fait pas de chichi, pas de caprice. Un vrai métronome. De temps en temps un flash de folie, une danse de Saint Guy, un caprice joyeux, une fantaisie. Il parait que c’est bon pour la santé. Ainsi l’a dit le conférencier. Bouge-toi, ça nettoie. Ça remet les pendules à l’heure.
(9/12/2021)
C’est quoi l’équivalent de « entre chiens et loups » pour dire son état ?
Tu vois ce que je veux dire ?
Est-ce un moment d’indécision où tout semble plongé dans l’opacité, où le silence t’assourdit, où le passage du temps t’oppresse ? - Est-ce un moment de transition comme l’instant où le rideau se lève au théâtre, où tu sais que quelque chose va arriver. Il y a un avant et un après.
Entre chiens et loups, une angoisse ou une rêverie ?
(13/5/2022)
Miguel ... ma belle … je blague !!
Miguel, c’est mon prof de gym. Il est beau, un peu Marlon Brando. Il a le teint mat, les cheveux noirs jais et des muscles. Il me fait rire. Sa mère l’appelle tout le temps au téléphone et il n’ose pas lui dire de le laisser en paix.
Miguel … si j’avais 20 ans de moins … En même temps si j’avais 20 ans de moins, je ne l’aurai pas rencontré. Miguel, c’est le prof de gym des aînés comme on dit maintenant.
Il faut aimer les aînés. Miguel, dis-moi que tu m’aimes.
(13/5/2022)
Luce, ma petite Luce.
Je regarde la photo encadrée posée sur la cheminée, prête à être mise dans un carton. Je déménage. Je vide cette maison où j’ai mes souvenirs d’enfance. Luce, ma sœur, mon amie. Luce, si jolie avec ses cheveux ébouriffés, ses joues barbouillées de jus de cerise. Luce qui est tombée dans le puits un soir de printemps.
(13/5/2022)
Celui qui dit que l’accordéon c’est ringard n’y connait rien.
L’accordéon, ça vit, ça respire, ça inspire. L’accordéon c’est un tapis volant qui t’emmène de Wazemmes en Argentine, qui te berce ou te tangote. Un chœur d’accordéons peut te fendre le cœur. Je le sais, je l’ai vécu. C’était le 1er mai à Vieux-Condé.
(17/5/2022)
Un lendemain de soirée entre amis …
La tête brumeuse. Plus que ça même, la tête qui tape. Les 1ers pas hors du lit. Incertains. Plus que ça même, titubants. Les yeux gonflés, agressés par la lumière. Direction salle de bains. Objectif : aspirine. Direction cuisine. Objectif : caféine. Ooh non ! Verres partout, vaisselle sale empilée, cendriers débordants. Direction canapé. Objectif : trouver le courage. Tiens, le foulard de Christine. Regard panoramique, un peu vitreux. Focus sur l’aquarium. C’est Maxence qui a passé des heures devant. Se lever, aller vers l’aquarium, scruter, plonger la main à tâtons et hurler.
Elle lâcha le poulpe d’un seul coup.
(5/6/2022)
Mon cher Guillaume,
Comment te dire ça sans te vexer ? Tu me connais, tu sais que je suis du genre cash ; mais tu sais aussi que quand je suis cash c’est par souci d’être sincère avec les gens que j’aime.
Alors, mon cher Guillaume, je te l’avoue sans détour, le musée des Beaux-Arts de Lille m’emmerde. Il n’y a que des vieux tableaux sur au moins 6 mètres de hauteur !
Je vais aller voir Saint-So. Je te raconterai, c’est promis.
En attendant je t’embrasse affectueusement.
Ta marraine
(5/6/2022)
C’est une ville où la poubelle ventrue fait le bonheur des rats.
C’est une ville où les bites agglutinées nous barrent le passage.
C’est une ville où le commerce jovial devient bobo.
C’est une ville où le trottoir riquiqui commence à grandir.
C’est une ville où le hlm géant se fait enfin rattraper par les arbres.
C’est une ville où les voitures nuisibles ne sont plus une espèce protégée.
C’est une ville où les bancs protéiformes favorisent la convivialité.
C’est une ville où le feu rouge devient vert si tu souris.
(11/6/2022)
Jésus n’aime pas les pommes
Pomme pourpre
Jésus n’aime pas les pommes
Pomme sensuelle
Jésus chiale ; il n’a pas osé la croquer
Jésus enlève ses sandales
Il descend de son échelle
Il a perdu aux dés.
(8/7/2022)
C’est drôle d’entendre parler du temps aujourd’hui même. Ça ne peut pas être un hasard, j’en suis certaine. Lundi, c’était la disparition officielle de l’horloge parlante. Fini cette voix au téléphone qui décompte le temps, qui le ponctuait de bip. Ça m’a rendue triste. Parfois je l’appelais. Comme ça, par curiosité. Mercredi, la sirène des pompiers a retenti. Je préparais des lasagnes végétariennes. Déjà midi ai-je pensé, car mercredi c’était le 1er mercredi du mois. Et le 1er mercredi du mois à midi pile la sirène se déclenche. Je ne sais pas pourquoi mais je connais ça depuis des années. Or ce 1er mercredi de juillet 2022 la sirène des pompiers a retenti à 11h44.
Bonnie, camarade d'écriture, ton architecte du temps existe et je le maudis.
(8/7/2022)
Les vierges folles
Ont peur de plonger dans l’inconnu
Mais elles risquent de tourner bourriques
A ne pas avoir d’amants.
La folle est trop sage.
Elle le regrettera quand elle entendra
Le carillon de la mort.
(26/8/2022)
La bougie va s’éteindre
Mais il en restera l’odeur
L’odeur de cire, comme une odeur d’enfance.
(26/8/2022)
© Marie-Pierre Deloeil